La Maison Forte

Métamorphoser nos patrimoines

Vers quelle histoire allons-nous ?


Nous vivons donc une époque formidable

Notre époque nous offre une chance formidable, celle de mettre du plomb dans l’aile à une idée de progrès conçu hors toute mise en perspective historique et tout débat social. Si bien sûr, nombre d’innovations participent à un mieux être collectif, force est de considérer que l’explosion de molécules de synthèse dont on maitrise ni les effets, ni les interactions; l’émergence des plus folles idées de la géo ingénierie, des sciences du vivant, certaines perspectives de nano technologies ou d’intelligence artificielle… laissent croire en une folle fuite en avant dictée par un appât financier court terme et univoque. Bienvenu à l’heure du grand BANG, Bit Atoms Neurons et Genes ainsi confondus participent d’une culture croissante du solutionnisme. Le solutionnisme étant une façon de voir ou d'espérer la réponse à des problèmes sociaux ou écologiques uniquement grâce à la technique. Cette approche révélant notre peu d’appétence à oser poser et à débattre des difficultés et de la complexité croissante du monde, ne promet au mieux qu’une mécroissance à venir.

Pour une culture de la métamorphose

L’alternative, n’en déplaise à certains, n’est ni de rêver du monde des amish, ni d’inventer un passé réactionnaire du « c’était mieux avant ». S’il y’a bien radicalité sur le sujet, c’est moins celle d’un retour à une improbable homogénéité de races, qu’à une intégration de nos problèmes « à la racine », d’où l'on vient donc, dans notre lien permanent au vivant. Cette radicalité est la métamorphose telle que proposée par Edgar Morin. Face au potentiel croissant de désintégration, Morin propose une dynamique de retour sur soi, d’analyse des essentiels de notre humanité connectée au vivant pour nous projeter après, en osant accepter le surgissement de l’improbable, les vertus génératrices inhérentes à l’humanité, les vertus de la crise et des périls ainsi que notre aspiration à l’harmonie. Entre deuil, joie et lucidité, cette marche introspective et d’entre deux, nous invite à réapprendre les valeurs essentielles du vivant conjuguées aux savoirs contemporains pour, à tout endroit, poser les bases d’un avenir autrement.

Ré-habiter aujourd’hui nos patrimoines

Ce retour sur soi pose un principe patrimonial, moins entendu comme sauvegarde de notre "historique bonbonnière" que comme l'intégration d’un patrimoine culturel entendu comme une ressource servant au développement humain, à la valorisation des diversités culturelles, à la promotion du dialogue interculturel et à un modèle de développement économique suivant les principes d’usage durable des ressources. C’est ainsi que la déclaration de Faro a posé en 2005 une vision dépoussiérée du patrimoine.

Investir notre bac à sable du Moyen-Âge

Le château de Monbalen qui abrite nos expérimentations de transition, nous offre la chance d’être un lieu habité, déconstruit et réinventé de manière permanente depuis huit siècles. S’il n’a pas la gloire des châteaux des bords de Loire, il porte le poids d’une histoire essentielle de nos ruralités, sans laquelle il est difficile de comprendre notre futur. En désurbanisant notre pensée, cette histoire lourde des traces des invisibles, pose notamment le sujet d’une bio-région, d’un territoire qui fait sens du point de vue de sa géographie plus que son arbitraire découpe administrative. Surtout cette histoire pose la question de l’eau et des ouvrages hydrauliques que l’on construit ici depuis des siècles. Cette ressource et ces techniques qui ont fait notre paysage rural transformé depuis cinquante ans par une agro industrie toxique ne devraient-elles pas être considérées comme élément de patrimoine à observer, étudier et à restituer pour faire métamorphose ?

Ce qui est, ce qui vient 

En trois ans nous avons découpé, exploré le puzzle de cette histoire. Plans de coupes, explorations, photogrammétries, la chapelle est devenue une boite à lucioles, notre histoire est posée sous forme d’ « Etats supposés » en question permanente et d’une folle contemporanéité. Nous avons réinvesti la parcelle 899, commun de battage comme espace rural en partage. Voici émerger sous nos yeux un incroyable ouvrage hydraulique. Au fil de l'eau, tourne en boucle le film de nos fantômes qui pose l’obligation, moins de conserver, que de s’inscrire résolument dans l’histoire avec ce qui est à réinventer. Comme l’eau, à l’origine de cet ouvrage, notre histoire est fluide et comme elle, elle est liquide donc irréversible.