D’où vient cette nouvelle réalisation ? Pas certain que l’artiste le sache lui-même. À observer son usine, celles et ceux qui passent pour développer leur propre atelier, les perruquiers de tous acabits, on repère avoir désormais à faire à une ZIAD, Zone Industrielle À Défendre. Quoi qu’il en coûte ! Du jour au lendemain, le four « Denain », qui était voué à disparaître et à retourner à la terre, est sauvé. Certains parlent maintenant de transformer ce four en chaufferie d’un futur bain japonais. Les esprits s’échauffent quand Laurent Tixador arrive un matin sur le site industriel et nous annonce le lancement de « la tuile molle ». Plaque de terre longuement laminée, posée sur le four, sculptée, séchée à l’air libre, numérotée, photographiée, démontée, cuite et fixée, la tuile molle offre, au lever du soleil, le mirage d’un four animal, carapacé, encore en sommeil. Innocent pangolin, cet objet sériel à forme unique, vient d’être inventé. La tuile molle fait d’un bâtiment une œuvre d’art unique par sa capacité à fixer la fragile révélation préalable des mouvements de l’usine. Au façadisme multidimensionnel sans terre et sans récit d’une Zaha Hadid ou d’un Franck Gerry, Tixador oppose des bâtiments aux formes monstrueusement organiques, en jouant des mêmes codes, mais sans la froideur des logiciels 3D et le caractère hors-sol. Sous ses façades aux formes uniques, la structure reste vivante et plus émouvante encore. Surface de réemploi aussi, on retrouve là des perruques abandonnées : « Pangolin, pangolino », « plus d’Indiens moins de cowboys », « Macron démission », « NCC-1701 » du nom de l’immatriculation de l’USS Entreprise de Star Treck… Chez Laurent Tixador, rien ne se perd et c’est la condition d’une résiliente productivité.