Laurent Tixador rejoint la Fabrique Coopérative des Transitions avec une question simple : comment vivre dans une petite maison ? Comme à son habitude, l’artiste décale le sujet ou, plus précisément, le prend à la lettre. Pour vivre dans une petite maison, il faut d’abord la fabriquer. Une contrainte : l’usage le plus résilient possible de matériaux à portée de main, soit à 50 mètres au maximum. Ces maisons seront donc en terre, en briques et, pour les fabriquer, Laurent Tixador s’engage dans la construction d’une usine. Bien évidemment.
Son premier four est nommé Denain, car tout est référence dans ses procédés de fabrication, tout est politique. Denain, du nom des hauts fourneaux sidérurgiques de cette ville du nord de la France qui, après avoir fait la fierté d’une région, après avoir participé à une conscience ouvrière internationale se sont brutalement arrêtés en 1978, entrainant une casse industrielle, sociale et culturelle comme la France n’en n’avait encore jamais connu. Denain comme marque d’une conscience ouvrière abattue. Denain comme un monumental fantôme de terre qui émerge dans une obsolescence déjà programmée.
Ce premier four qui permettra la production des briques nécessaires à la construction d’un second four plus ambitieux, Tourcoing.
Ces objets sortent lentement de terre et leurs chaufferies, qui montent à plus de 1200 degrés, font d’eux des foyers autour desquels on se réunit pour contempler ces monstres suant la terre et l’eau. On découvre alors une véritable Usine à visée non-apocalyptique (sic). La pluie, la chaleur emportera un jour cette monumentalité, c’est son destin, inscrit dans la masse. C’est le paradoxe aussi, la tension que produit sans cesse Laurent Tixador. L’écart qui forge librement l’éthique de chaque visiteur. Ces fours sont des sculptures monumentales, des objets organiques qui, quand on les observe, rappellent la magie de la révélation du papier photographique dans l’acide. La masse de l’usine n’est plus que vapeur, l’amer souvenir d’une civilisation disparue. En attendant, après chaque cuisson on se réunit pour un apéro au pied du four et lentement cuisent les chapatis.