Le duo ORAN est un binôme d’artistes, performers, activistes. Leur démarche procède généralement d’un grand détournement. Tel des designers iels enquêtent, interrogent, infiltrent un sujet social : créent la confiance. Iels élaborent ensuite une proposition dont la force est de fonctionner comme un miroir non jugeant. Au gré de leurs travaux et des invitations qui leurs sont faites, la trace du passage qu’iels eurent sur un territoire et/ou au cœur d’une question sociale laisse le goût d’un « je suis passé.e par là » puis d’un… « et tu le sais ». Comme des hackers, iels pénètrent un programme social bien établi, identifient la faille et y construisent leur nid. Parmi leurs interventions, « L’Observatoire des Excès et des Pénuries » procède d’une même logique. Intervenir à la commande, identifier ce qui coince, ce que l’on ne voit pas et poser un travers qui interroge. Pour exemple : le projet de rénovation du mur d’un musée abouti à une plaque commémorative fixée à la façade du mur laissé en lézarde. Inscrit sur cette plaque, une équation : le budget des travaux ( = le nombre de kilomètres de joints à refaire entre chaque brique) et son équivalent à une quantité de farine pour produire des pains à donner aux plus démunis. Vaut-il mieux travailler à faire lien social autour d’un pain partagé qu’investir dans un mur qui sépare ? Une autre expérience, celle visant à faire fête de village autour des produits de luxe du terroir, en vient à transformer les déchets alimentaires pour les associer comme mets au champagne star de la fête… L’enjeu de cet observatoire : multiplier différentes formes d’exploration pour identifier les pratiques de domination qui structurent le capitalisme et les détourner. Chercher dans chaque organisation sociale un potentiel de fictionnalité, décrire une altérité, un futur possible donc le rendre effectif.
LEUR RECHERCHE
Iels investissent à La Maison forte un nouveau sujet, au tout début de son exploration : le lien que l’on entretient avec l’animal de production – de la ferme généralement. Au gré de quelques échanges, de rencontres avec certain.es voisin.es paysan.es, apparaissent deux premières pistes. Derrière la domestication au travail, se joue un phénomène de domination qui in fine impacte notre humanité. Pour autant, un type de lien à l’animal, même à consommer, révèle aussi - à l’opposé - une forme d’industrialisation du vivant – ou pas - qui abime notre humanité. Leur sujet s’orientera donc autour d’un enclos, fermé d’autres enclos plus symboliques, ceux-là qui nous enferment, nous les humains, en nous séparant de notre animalité. À leur manière, iels posent un périmètre, un enclos dans un enclos. Simple forme de rubans bleus accrochés à une série de piquets de bambous, cet encerclement de vide nous interpelle dans cet espace ensauvagé. Là, l’humain est passé. Mais la forme séduit par son architecture. Et puis l’un.e des deux explorateurs.trices du duo se précipite dans la structure. L’Humain « libre » se jette dans l’enfermement, s’arrache, détruit, se blesse jusqu’à destruction de la structure et de cette désormais bête humaine. Le geste confond l’absurde et la violence, il n’en n’est que plus dérangeant. L’enclos cassé reste là, marque d’un combat.
CE QUE CELA NOUS INSPIRE
Dans l'idée qu'une résidence réussie ou ratée est un temps qui nourrit notre expérience de transition
Questionner avec empathie nos conditions d’être vivant, en révélant la souffrance de l’animal humain exclu de sa propre condition animale par la domination qu’il produit sur d’autres espèces.
Par la mise en scène de l’enfermement et de la domestication révéler nos propres aliénations. Développer un discours politique qui s’échappe de la dénonciation par la fictionnalisation et l’inversion des rôles. Dans cette perspective, cinq éléments retiennent notre attention pour nos propres expériences liées au changement.
La mise en jeu : Par l’implication qu’iels proposent et par le changement de point de vue.