La Maison Forte

Baptiste Fauché

Hyperstitions

Du 22 avril au 9 mai

Après avoir enseigné le français dans un collège de la région parisienne, Baptiste Fauché travaille aujourd’hui comme médiateur à l’IMEC. Sa formation mêle lettres modernes et sciences politiques. Il a lu des manuscrits pour les éditions Verticales ; suivi des séminaires transdisciplinaires à l’Université Paris 8 ; été libraire à la Maison de la Poésie et emballé quelques livres dans pas mal de cartons. 

Durant un voyage à vélo lors de l’été 2021, il découvre Hambach, la deuxième plus grande mine à ciel ouvert d’Europe. Une vallée entière (soixante kilomètres carrés) a été éventrée et retournée afin d’extraire du lignite, une forme de charbon grasse et impure, particulièrement polluante. Il en revient avec, en tête, une étrange théorie (à moins qu’il n’ait été frappé par une Révélation) : il existerait un complot du Minéral (ou du Cristal) sur l'homo sapiens.

SA RECHERCHE

L’hypothèse est décalée, c’est donc ce qui nous séduit.
Les récits de conspiration sont des échafaudages pseudo-théoriques qui prennent, de nos jours, une large place dans l’arène médiatique. Leur capacité à injecter un doute quant au réel, à enchâsser des indices matériels véritables dans des constructions intellectuelles paranoïaques, à retourner la charge de la preuve, leur puissance de conviction enfin -- qui fait de chaque amateurice de complot un.e évangéliste de la confusion – font des récits de conspiration de redoutables machineries politiques. Et si, malgré les apparences premières, le complot pouvait être retourné contre lui-même et servir la cause de l’écologie et des émancipations ?

Le narrateur du récit que Baptiste tente de mettre en place considère qu’une force minérale essaye de prendre le pouvoir sur l’humanité et la pousse à penser autant qu’à construire en lignes droites. Routes, bâtiments, urbanisme, monocultures et jusqu’au capitalisme en lui-même…  et si toutes ces lignes droites nous contrôlaient et nous asservissaient ? Le narrateur récolte des données autant qu’il peut, au gré de ses lectures et de son enquête. Il confond ses propres écrits, plein de fariboles, avec de solides et véridiques textes théoriques. Il multiplie les conférences – devant un public le plus souvent clairsemé – pour alerter la sphère publique quant à l’emprise du rectiligne sur nos vies. Il fait se proliférer les notes de bas de page. Il tracte en pleine rue.

Drôle au début, au gré de l’écriture et des lectures, Baptiste et nous nous sommes fait prendre au jeu. Le narrateur semble avoir, de temps à autre, pris le dessus sur son auteur. Et si nous étions véritablement victimes d’un complot du minéral sur nos propres conditions d’existence molles ? Et si Sapiens était sous le joug d’une influence qui le fait agir contre ces intérêts et contre ceux des écosystèmes ? Et si de telles narrations radioactives ne pouvaient être écrites sans sombrer dans une forme de folie ?

Un drôle de texte en devenir, en tout cas : un montage pseudo-scientifique qui se joue des formes, entre littérature et sciences sociales, pour mieux duper son lectorat. Une interrogation sur la puissance politique des fictions qui se nourrit d’une véritable angoisse quant à l’avenir du monde vivant.

CE QUE CELA NOUS INSPIRE
Dans l'idée qu'une résidence réussie ou ratée est un temps qui nourrit notre expérience de transition

Tandis que certains discours contemporains semblent être tout droit sortis des années 80, la crise plurielle que nous vivons se fait se dérober le sol que nous avions -- ou que nous pensions avoir --sous les pieds. Que peut faire l’écrivain en cette époque semblable à toutes les autres, et pourtant si particulière ? Que faire, en littérature, de cet impératif d’action, de soulèvement, de révolte, qui se diffuse dans l’atmosphère en ces temps critiques ? Rien d’autre peut-être qu’un texte qui serait un catalyseur d’interrogations, une machine à semer le doute. Rien d’autre, au fond, qu’un texte terrifié à la fois par lui-même (une exhortation à l’action) et par son envers (un aveu d’impuissance).