La Maison Forte

Malou Blank et Jérémie Dalbet

Une anarchitecture

En résidence du 24 au 31 mars

Ils se définissent comme anarchitectes nomades : Malou et Jérémie sillonnent les routes de France (et de Belgique) depuis un an, au volant de leurs camions et de leur atelier mobile. Ils ont suivi la même formation en architecture, ce qui les amène aujourd’hui à questionner "les fondements d'un métier qui peine à s’adapter à l’effondrement du vivant". Anarchitectes parce que leurs pratiques sont variées, de la couture à la mécanique ou encore la conception d’un habitat, du podcast à la charpente ou au torchis. L'habitat leur semble déconnecté de ses habitant.es et de son environnement. Parce qu’il est temps de valoriser les savoir-faire et de réveiller les imaginaires. Et parce qu’habiter est « la première capacité des vivants » (Alain Damasio dans Les furtifs). Nomades parce qu'ils souhaitent découvrir les territoires avec un regard neuf, sans a priori, pour apprendre des acteur.ices des lieux et renouer avec des connaissances acquises (oubliées ?) depuis des générations. Ainsi avec leurs camions-atelier, au grès des chantiers et des rencontres, ils proposent des partages conviviaux de connaissances avec les ami.es, les habitant.es et acteur.ices des lieux d’accueil. 

LEUR RECHERCHE

Comment construire avec, en faisant est un peu leur question récurrente. Avec une dizaine d'étudiants de la Faculté d'Architecture de l'Université Libre de Bruxelles, ils sont venus répondre à une de nos demandes urgentes : créer un bloc sanitaire adapté aux personnes à mobilité réduite. En fait, avec une pente, deux toilettes et deux douches, ils ont crée un bâtiment en cinq jours. Matériaux disponibles, contraintes, lumière, envie de faire beau et pratique, ils ont créé un lieu qui s'inscrit magnifiquement dans l'espace au point où son usage de toilette nous semble un manque d'ambition originelle. 

CE QUE CELA NOUS INSPIRE

Trois choses essentielles :

- sketchup et les réalisations 3D sont une catastrophe en termes d'imaginaire. Ces approches nuisent à l'appropriation, sur-vendent et frustrent. Agir dans le faire - accompagnés par de vrais créateurs et techniciens - permet de prendre le temps de poser les volumes, de mettre les matériaux à l'épreuve de la lumière, des désirs et des idées nouvelles, de s'immerger dans les volumes, avec le temps nécessaire à cela. Cette anarchitecture de l'aller retour fait de l'accident, un phénomène comme quand on comprend ne pas avoir les moyens de fabriquer le bloc évier en forme massive tel que souhaité initialement, Nico arrive alors avec un bac acier dont il ne faisait rien puis quelqu'un propose de le laisser pendu, en suspension dans ce bâtiment. Certainement l'approche 3D aurait jugée cette idée déraisonnable et c'est le bricolage, l'urgence qui a rendu cela possible.

- la joie est un des premiers ciments de la construction. Le temps limité, l'esprit cabane, l'équipe, l'épreuve au sens du jeu sont des pourvoyeurs de joie, le premier ciment de tels bâtiments. Ici, la joie se voit.

- l'inattendue beauté fonctionnelle. Vous êtes plusieurs à nous avoir dit être impressionnés par le soin que nous avons mis pour des toilettes sèches. Nous comprenons depuis que l'usage trivial  condamne souvent au moche et au manque d'hygiène. Et oui, grâce à ce travail, les toilettes sèches deviennent une pratique désirable. Le beau encourage l'usage. Même là.