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La collaboration entre la philosophe Cynthia Fleury et le designer Antoine Fenoglio déroule l’expérience d’un "Design with care" (Design avec attention) qui met des mots sur ce que l’on cherche ici à La Maison forte. En effet, leur exploration définit comment la fragilité peut être abordée de manière systémique pour traiter les questions environnementales et sociales notamment. Pour qu’une démarche quelconque fonctionne, la mise en capacité des parties prenantes est un véritable levier. Émerge alors, une possibilité de "proof of care" (preuve de soin), où l'expérimentation elle-même devient une forme de soin. En rompant avec le « proof of concept », qui tend à réduire le monde à sa fonction d’usage, cette approche pose la gouvernance au cœur de tout projet de transformation puisqu’ici la mise en capacité et le faire en commun sont privilégiés. Le rôle du designer devient alors celui d’intégrateur, de diplomate entre différentes expertises, en utilisant son savoir-faire en représentation et prototypage de processus d’apprentissage. Intégrateur, car le défi systémique des problèmes contemporains pose bien l’enjeu d’une approche interdisciplinaire au cœur de toute démarche d’innovation sociale. Ainsi le design devient un dessein politique. La vulnérabilité n’étant plus niée mais valorisée. Par cette démarche, l’enjeu est bien de redéfinir les interactions avec nos environnements, en explorant comment le design peut contribuer à repenser nos usages du monde et à créer de nouveaux possibles. Comment, en dépassant la réduction propre à l’attente de solution, en dépassant la sidération de ce qui disparaît, en n’étant plus l’objet d’espaces et de fonctions à consommer, l'expérimentation - et la dose d’intuition qu’elle autorise - peut générer du soin pour les acteurs impliqués et donc pour le monde qu’ils habitent ?
Toute cette approche est développée dans le cadre de la « charte du verstohlen ». Le « verstohlen » étant selon Cyntia Fleury :
le « furtif », ce qui ne peut nous être volé, ou comment nous, sujets, individus, patients, citoyens, tel ou tel, nous pouvons expérimenter et faire évoluer tout système de gouvernance, local, national, international, par la prise en considération des vulnérabilités endogènes, qu’elles relèvent des blessures, des manques, des inégalités ou, plus banalement, des formes de conflictualité, de résistance, d’évitement. Ce paysage mental, imaginaire, d’« effondrement », nous y résistons, par la production d’une praxis de résistance qui est celle du « faire » indissociable du « penser ».
Pensé dans un contexte médical, cette approche vaut en effet pour toutes « les zones en butée » dans le monde, notamment la ville durable, où l'implication d'acteurs sociaux et privés dans des modes coopératifs déplace le politique et son monopole de la gouvernance de la ville. Cette approche se décline aussi en jardin. Tout cela invite à ré-explorer le terme de "providence" où ce n’est plus Dieu qui ferait œuvre de vision sage de ce qui vient mais un esprit partagé nourri d’une culture du vivant.