La Maison Forte

Hydrologie Régénérative

De l'eau demain !

La Maison forte s’inscrit dans un territoire riche de paysages variés et d’espèces patrimoniales, mais également marqué par des défis écologiques pressants. Face à la dégradation des sols et des écosystèmes locaux, nous souhaitons agir en proposant des solutions régénératives concrètes, fondées sur des pratiques s’inspirant du vivant. Ce projet est une invitation à repenser notre rapport à l’eau, au sol et aux interactions multispécifiques, pour amorcer les boucles vertueuses d’abondance.

Un écrin de nature aux multiples visages

Nous sommes au cœur du Pays de Serres, en Lot-et-Garonne. Un plateau karstique, découpé par des vallons humides depuis lesquels surgissent de nombreuses sources. Ce plateau fertile est cultivé tantôt pour de l'arboriculture fruitière, ici au pays du Pruneau d’Agen, tantôt par des céréales ou autres pratiques culturales. C’est le département aux 70 cultures agricoles !

Comprenant en son sein une source alimentant la Masse d’Agen, affluent de la Garonne, le domaine de La Maison forte totalise 5,2 hectares. C’est un paysage grandiose qui s’ouvre depuis la bâtisse fortifiée surplombant le vallon, et portant le regard jusqu’au lac de Monbalen en contrebas. C’est aussi une mosaïque d’habitats écologiques, il y en a pour tous les goûts : des zones humides et des prairies sèches, des forêts et des jardins, un plateau et des recoins… Cette diversité, présente dans ce petit écrin luxuriant, favorise la présence d’espèces sauvages, rares ou ordinaires, mais surtout, qui n’ont pas l’habitude de cohabiter…

Quand les sols et l’eau témoignent de pratiques dégradantes

Bien que regorgeant de vie, les différents diagnostics réalisés attestent néanmoins de l’état de dégradation plus ou moins importante de certains des écosystèmes représentés. Sur le plateau agricole, les pratiques culturales ont laissé place à un sol dépourvu de sa fertilité. Les méthodes agricoles communément appliquées - jadis ici ou toujours en place aux alentours - ne permettent plus la fonctionnalité systémique soutenue par le vivant. Labour et sols à nu ont eu raison de la matière organique. Cette matière organique est la conséquence de la séquestration du carbone par la photosynthèse et est nécessaire au stockage de l’eau comme à la fertilité des sols. Cette fertilité est obtenue par la libération des nutriments contenue dans cette part organique, nourriture pour des sols vivants et ces milliards d’organismes les constituant.

Ici sur le site, on retrouve des eaux qui n’ont pas été filtrées par manque de matière organique contenue dans les sols, qui filtre et retient l’eau avant de l’infiltrer dans les nappes phréatiques peu profondes. Le mauvais état écologique des eaux de la source est dû à une pluralité de facteurs issus notamment des pratiques agricoles et des systèmes de retraitement des eaux usées ménagères : trop plein de nitrates et nitrites lessivés car synthétiques et non stabilisées par les cultures, argiles en suspension érodés par ruissellement en raison de la déstructuration des sols trop souvent à nu, ou encore bactéries et spores fécaux témoins de systèmes d'assainissements des eaux ménagères, non opérationnels ou saturés.

L’hydrologie régénérative, une réponse concrète pour restaurer les cycles de l’eau

Ce tableau dépeint la non fonctionnalité des écosystèmes, incapables donc de fournir les précieux services écosystémiques dont nous dépendons tant. Heureusement, il existe aujourd’hui pléthore de techniques régénératives permettant de reconstituer au mieux et surtout au plus vite ces écosystèmes. De nombreuses pratiques autour de l’eau sont regroupées autour du terme “Hydrologie Régénérative” permettent par des aménagements de reconstituer les cycles de l’eau, c'est-à-dire de ralentir, répartir, filtrer, infiltrer et stocker - de manière naturelle - l’eau de pluie. C’est ainsi que l’on peut agir de manière très concrète sur des sites de toutes tailles pour réduire l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes. À l’échelle d’un bassin versant, il est possible de ré-engorger les sols, tels des éponges, pour infiltrer les eaux lors d’épisodes pluvieux en réduisant les problèmes d’érosion et d’inondation et de relarguer ces mêmes eaux, filtrées et donc assainies, lors d’épisodes de sécheresse météorologique. Nous avons donc des sols gorgés d’humidité, réduisant de ce fait la sécheresse édaphique (celle des sols) qui, couplée à la sécheresse météorologique, peut avoir des effets dramatiques comme l’apparition de méga-feux. Ces méthodes ont donc un effet de régulateur d’amplitude. 

Ce sont des pratiques plutôt aménagistes qui sont employées en restructurant le paysage pour capter l’eau de pluie et la gérer au mieux par des techniques les plus simples possible. Ces aménagements sont toujours couplés à la végétation multifonctionnelle qui, sans la présence de l’humain, reconstitue les petits cycles de l’eau verte. Aménagiste, oui, car ces pratiques sont employées dans des milieux anthropisés, agricoles ou urbains. L’humain devient alors un régénérateur, il travaille dans le sens du vivant.

L’intelligence des castors au service de la régénération low-tech

De nouvelles pratiques basées sur les processus, et donc sur une pensée d’autant plus systémique, font couler beaucoup d’encre depuis peu : la régénération low-tech des milieux rivière, fondée sur les processus. A l’instar des pratiques regroupées sous le terme d’hydrologie régénérative, la régénération low-tech fondée sur les processus cherche à rendre l’écoulement de l’eau le moins efficient possible, c'est-à-dire à ralentir le cycle de l’eau afin que l’eau douce provenant des précipitations reste le plus longtemps possible dans nos systèmes terrestres. Cependant, la démarche diffère en ce sens que toute proposition faite par un humain n’est qu’un point d’ancrage, un point de départ permettant une réponse de la rivière. Ce nouveau paradigme est pensé par observation et mimétisme de l’action des castors sur le milieu. Tout ouvrage - correctement - façonné par l’humain donne l’impulsion d’un mouvement de régénération rentrant dans les spirales vertueuses de la vie. C’est toute l’intelligence castor, riche d’au moins 8 millions d’années de coévolution avec la rivière qui s’exprime. Il s’agit de faire une proposition low tech avec quelques branches d’arbre trouvées sur place, un peu de terre, le tout déposé dans et avec le courant de l’eau, comme le ferait spontanément une rivière avec un embâcle. En réponse, une rivière mono-chenalisée qui rouvre des chenaux secondaires, le matelas alluvial (lit de la rivière) qui s’agrade et s’épaissit jusqu’à reconnecter le cours d’eau avec les berges. Par conséquent, c’est la nappe d’eau d’accompagnement de la rivière qui remonte au niveau des terres. Une complexité qui ramifie, qui change de rythme, qui fait varier ses couleurs. Un cycle de l’eau qui permet à une goutte d’eau de rester jusqu’à 120 fois plus longtemps dans le système ! 3-4h pour parcourir un bassin versant de 26 km2 dans une rivière corsetée (avec des berges fixes, bétonnées) jusqu’à 20 jours (soit 504h) dans un milieu rivière anabranche (dont le lit majeur peut être exploré pour former une multitude de cours d’eau interconnectés).


Expérimenter, transmettre et essaimer : les ambitions de La Maison Forte
Le projet de La Maison forte se propose de faire l’expérience de pratiques régénératives pour : 

1/ tester et comparer les différentes pratiques sur la vie du sol, sa fonctionnalité et l’impact sur le microclimat,

2/ diffuser les connaissances par le biais de formations et de sensibilisation à destination d’un public large (paysan.nes, Ecole ETRE, habitant.es du secteur, …),

3/ permettre le rayonnement des pratiques influant sur la qualité et la quantité d’eau disponible pour le bassin versant aval,

4/ embarquer les collectivités territoriales locales pour diffuser ces pratiques,

5/ développer le réseau Pour une Hydrologie Régénérative Adour-Garonne,

6/ participer au réseau local de la régénération low-tech des rivières, porté notamment par l’association ThéraTerre.


Pour mener à bien ce projet, il manque encore certaines études techniques et la conception du site intégrant les principes d’Hydrologie Régénérative. Un consortium scientifique pluridisciplinaire permettra de suivre l’évolution des pratiques sur le microclimat (stockage carbone, quantité d’eau, qualité d’eau, température au et dans le sol…), sur la vie du sol (quantitativement et qualitativement), sur la qualité et la quantité des végétaux produits et sur la biodiversité qui en bénéficie.