CINEMA / PHILOSOPHIE
Résidence du 18 au 26 mai et du 3 au 18 juillet 2025
Ely Chevillot est réalisateur de formation et d’aspiration. Il cherche aujourd’hui à ancrer sa pratique dans d’autres projets avec d’autres pratiques artistiques, à expérimenter dans des domaines qui ne sont pas initialement les siens. Les démarches documentaires à la limite du cinéma ou de la vidéo expérimentale pourraient lui permettre de faire le lien de manière plus conceptuelle entre des recherches d’ordre philosophique et leur « transformation esthétique » - il vient de finir un master en philosophie - présentant des projets artistiques qui contiennent une réelle part de recherche philosophique, dans une articulation proche de celle des doctorats en arts. Dans cette logique, Ely Chevillot s’intéresse plus particulièrement à la question du lien.
« Cet intérêt part d’une remise en question de la centralité de la famille telle qu’elle est pensée actuellement, autour de la filiation et de la lignée. Beaucoup de ces liens non désirés ne sont pas non plus entretenus pour le devenir, et donnent lieu à des systèmes d’obligations qui me paraissent obsolètes. En revanche, de nombreux liens profonds et pérennes ne sont pas ou peu valorisés par la société. Les amis n’ont aucune place dans la législation. Les animaux de compagnie sont dévalorisés parce qu’ils proviennent d’autres espèces. Les liens que nous entretenons avec nos plantes et nos bactéries sont tout simplement ignorés. La façon dont nous pensons la famille provient d’une lecture anthropocentrique et "génomique" du monde, qui sous-estime tous les liens ne correspondant pas à des rapports humains de parenté, malgré les quelques extensions actuelles liées aux possibilités de recompositions familiales. Pour dépasser cette unique lecture, j’aimerais proposer une recherche approfondie sur ce qui pourrait refonder le lien. L'écriture de ce lien permettrait de transformer la notion de généalogie, linéaire, en ligarologie, arborescente, tout en questionnant la logique même d'une écriture des liens. »
Son projet, intitulé Ligarologie, se construit sur deux axes : un travail de recherche philosophique et un travail artistique. Le travail de recherche philosophique est appuyé sur divers auteur·rices, notamment Donna Haraway et ses "espèces compagnes", Hartmut Rosa et son concept de résonance, Gilbert Simondon et ses réflexions sur l’individuation. Le travail artistique repose actuellement sur une articulation entre un projet de film documentaire, qui chercherait la “trace” des liens existants, et un projet d’installation qui consisterait en des sortes de portraits d’individus par leurs liens, en les recomposant par leurs aspects sensoriels : visuels, sonores, olfactifs, tactiles… L’écriture de cette articulation est exactement l’objet de sa résidence à La Maison forte.
« La résidence sera consacrée à la recherche philosophique et à l'application de celle-ci dans la mise en place d’une installation composée de plusieurs vidéos projetées en parallèle dans une même pièce. L’idée est de réaliser le portrait d’un individu par ses relations aux autres, aux animaux, au milieu. Chaque vidéo reprendra l'une des relations de l’individu pour mettre au point un nouveau langage filmique la caractérisant. Les outils de l’enregistrement vidéo qui structurent le temps – vitesse d’obturation, ralenti, etc. – ainsi que ceux du montage – coupes, superpositions, répétitions – permettront de qualifier les différents aspects de la relation traitée, notamment par ses attributs temporels qui nous semblent fondateurs. Une prise de son indépendante permettra de donner une dimension supplémentaire et musicale à chacune des relations. »